Bien souvent, nous nous retrouvons dans les derniers carrés de manifestants, petite centaine d’irréductibles, villages gaulois cernés de romains.
Nous scandons des slogans sur des sujets forts (droit au travail, à la dignité..) dans la plus parfaite indifférence. Des imbéciles rient à notre passage, nous prenant pour une arrière-garde réactionnaire et rétrograde.
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Les alliances se font et se défont à travers les siècles. Toujours les loups s’accordent pour dévorer les moutons. Nos contemporains fascinés par la société de consommation, paralysés, se font raser avec confiance et délectation. Jusqu’à quand ? Le système dans une logique implacable se détruisant de l’intérieur.
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Certains se jetteront de la falaise, acculés au suicide. Les uns pleureront « j’ai travaillé toute ma vie pour rien, ILS ne peuvent pas payer ma retraite : pleurez » D’autres se souviendront tardivement du dernier carré d’attardés réduit au néant du vieillissement. Trop tard !
L’esprit de lutte ça ne s’explique pas, c’est en soi !
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La grand-mère, sourde, à la vue faible, bénéficie d’une délicatesse suprême car installée confortablement dans le canapé « similicuir-standing-oblige », à la place du grand chef des lieux, moi Hadrien, qui dans ce cas, ne remet pas du tout en cause sa suprématie et lui allume hypocritement la télé. La mémé dans tout cela n’a pas trop son mot à dire.
On a déjà eu la gentillesse de la sortir de sa maison de retraite dernier cri. Elle partage sa chambre avec d’autres pensionnaires, certains grabataires, d’autres baveux.
Ses enfants avaient paraît-il trouvé ce qui se fait de mieux, prévu le remplissage du compte en banque soit disant pour qu’elle ait des obsèques dignes de ce nom, anticipé leurs parts d’héritage.
Les esquimaux abandonnent leurs vieux sur la banquise ! Nous c’est beaucoup plus subtil et sournois. La finalité étant le même rejet de cet encombrant fardeau pourtant charnellement si proche.
Mémé, mamy, pépé, papy, ayez une super retraite. On vous ménagera alors au moins par intérêt.
C’est toujours cela de gagner le respect par son compte en banque !
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- Monsieur, vous pouvez soumettre votre dossier à la commission gracieuse
Quel joli mot « gracieuse » dans la bouche du service du recouvrement de l’impôt !
Façon détournée de noyer le poisson, tu écris à ladite commission. Tu attends mais de toute manière, tu paies pendant cette période.
La machinerie est enclenchée, implacable comme la vie. Tu nais, tu meurs. Tu es assujetti, tu paies. La commission « gracieusement », invariablement, te répondra qu’elle est désolée, que tu ne corresponds pas aux critères.
Explication de texte : à chaque changement de gouvernement, les règles du jeu changent. L’année précédente, j’avais bénéficié de certaines mesures favorables. Rien n’a évolué dans ma situation, identique. La politique régit notre sort sans tenir compte de notre avis.
Lois, décrets, la commission est toujours « gracieuse ».
Mon sourire se transforme en un hara-kiri de la survie financière de mon ménage.
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Je me lève pour mettre la table, l’esprit vide et tel un automate ouvre le placard mural, sors les assiettes. Plus tard tenant la main de Martine, devant le film, s’il est trop nul, je rejoindrai mon Olympe.
Frénétiquement, toutes mes connexions nerveuses en action, des éclairs sous la boîte crânienne, des millions d’halogènes s’allumeront éclairant mes racines de cheveux, virevolteront en tout sens en cherchant à créer l’arc de pensée mentale, invisible faisceau créateur et moteur de mon domaine intérieur.
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De nouveau à la vigie, je veille et analyse. Je dois tout poser sur la table, trier, enlever les pierres des lentilles pour mieux les digérer comme cet enchevêtrement d’éléments désorganisés de mes neurones. Plus prosaïquement, prendre les choses moins au pied de la lettre, relativiser. Je n’ai plus de répit, la folie me guette.
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Au-delà de mes délires, je sens que tout m’échappe, sorte de fuite en avant de mes pensées. Posologie excessive, le rat, les antidépresseurs, les particules qui composent ma vie s’emballent. Plus rien d’élémentaire. Je ne suis plus qu’une éponge qui s’imbibe au fur et à mesure des circonstances, des rencontres.