L’incendie du squat de Pantin le 28 septembre, qui a fait six morts, a eu l’effet d’un électrochoc. Depuis, les évacuations se succèdent en Seine-Saint-Denis à un rythme soutenu. Hier matin à l’aube, le squat historique du 76, rue Gabriel Péri, à Saint-Denis, occupé illégalement depuis 2001, a été évacué par les forces de l’ordre sur ordre de la préfecture.
Les trois boutiques installées au rez-de-chaussée — une onglerie, un magasin de vêtements et un commerce abandonné — ont également été fermées. La semaine dernière, une trentaine de squatteurs avaient été expulsés du 11, rue Dézobry, dans le quartier de la gare. Depuis l’incendie de Pantin, c’est le quatrième squat fermé à Saint-Denis.Trente personnes — douze hommes, onze femmes et sept enfants, pour la plupart originaires de Côte d’Ivoire — vivaient dans cette copropriété frappée depuis plusieurs années d’un arrêté « d’insalubrité irrémédiable » et d’un arrêté de « péril imminent ». Jusqu’à cent cinquante personnes ont habité cet immeuble vétuste aux façades lézardées, sérieusement endommagé par un incendie en 2004.
En 2008, suite à une convention passée entre l’Etat et les habitants, des travaux palliatifs de mise en sécurité avaient été réalisées et une partie des familles, notamment celles dont les enfants avaient été intoxiquées par le plomb, avaient été relogées. Plus qu’un squat, le 76 Péri était devenu au fil des ans un symbole de l’insalubrité dans cette ville où un logement sur trois est vétuste.
Hier, seules les familles avec enfants ont été relogées par la préfecture. Elles seront hébergées jusqu’à la fin de l’hiver dans un hôtel au Blanc-Mesnil. Les autres ont été renvoyées vers le 115. « Je vis ici avec mon mari depuis 2001, raconte en larmes Dao, une femme de ménage de 36 ans. Comme nous n’avons pas d’enfants, on ne nous a rien proposé. Ce soir, je ne sais pas où on va dormir. Je n’ai plus rien. »
Présente aux côtés des expulsés, Nouria, du Réseau solidarité logement (RSL), dénonce « l’hypocrisie » de la politique de l’Etat. « La préfecture prend pour prétexte l’incendie de Pantin pour les évacuer. Mais elle ne leur propose aucune solution de relogement! Demain, ces personnes vont peut-être mourir de froid, dehors, dans la rue. »
Hier, une délégation de squatteurs a été reçue à l’hôtel de ville, sans succès : « L’Etat les a expulsés. C’est à lui de les reloger. L’hébergement d’urgence relève des missions régaliennes », répond-on en mairie.
Depuis deux mois, la préfecture répertorie avec l’aide des communes les squats de Seine-Saint-Denis. Il y aurait 120 à 130 immeubles occupés illégalement dans le 93, la plupart en mauvais état. « Ce drame a été un véritable traumatisme, reconnaît Stéphane Peu, maire adjoint (PC) à Saint-Denis. Nous ne sommes donc pas opposés par principe aux évacuations, mais encore faut-il qu’elles servent à quelque chose! Or, là, il n’y a aucune solution de relogement durable. La procédure de rachat de l’immeuble est toujours en cours, ce qui retarde d’autant sa réhabilitation. Le 76 Péri a donc toute chance d’être à nouveau squatté dans les mois à venir. »