Rebondissement dans le dernier acte de la tragi-comédie Hadopi. Avant d'appliquer la loi de lutte contre le piratage sur Internet, plusieurs décrets d'application doivent encore être publiés. Et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) doit donner son avis sur un de ces décrets : celui qui autorise l'Hadopi (autorité administrative instaurée par la loi) à créer un fichier contenant les coordonnées des internautes, et les infractions qui leur sont reprochées. Or, le 10 décembre, la Cnil a décidé de ne pas rendre d'avis, et a envoyé au gouvernement une lettre en ce sens. L'autorité indépendante exige, avant de rendre son avis, que lui soit communiqué un autre projet de décret, celui qui porte sur la procédure de sanction appliquée aux pirates.
Casse-tête
Cette position de la Cnil a suscité un certain émoi dans les ministères. En effet, cet avis est explicitement prévu par la loi, et donc indispensable pour publier le décret. Autrement dit, le gendarme de l'informatique, en ne rendant pas d'avis, bloque le processus. Alors que s'il rend un avis négatif (comme il l'a fait sur la loi elle-même), le gouvernement peut passer outre, et publier le décret. Face à ce casse-tête, le gouvernement aurait étudié deux options. La première serait de considérer que la lettre de la Cnil est quand même un avis du point de vue juridique. Cela aurait pour objectif de dissuader la Cnil de rééditer ce type de plaisanterie. Mais cela sera hasardeux juridiquement : des actes réglementaires ont déjà été annulés faute d'avoir dûment consulté la Cnil.
L'autre option — apparemment la plus probable — est de ne pas déclarer la guerre à la Cnil , mais de se plier à ses demandes en lui transmettant le projet de décret sur la procédure. Cet autre texte, en cours de finalisation, pourrait être soumis à consultation en janvier. La Cnil aura alors deux mois pour rendre son avis. Dans ce cas, cet ultime rebondissement aura juste retardé de quelques semaines le processus. In fine, les premiers e-mails d'avertissement seraient envoyés aux internautes au plus tôt en avril. Interrogée, la Cnil a confirmé avoir demandé la communication du décret "procédure".