19.01.2011
La rupture conventionnelle
Les effets pervers de la rupture conventionnelle commencent à exploser : derrière ce dispositif, « se cache un véritable piège pour les salariés et pour la collectivité en général ».
Il est d’ailleurs révélateur que l’Exécutif et le Medef ne claironnent pas trop ces derniers temps sur ce que Capital du 10 janvier considère comme un franc succés . Franc succès, mais pour qui ?
La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a inauguré ce nouveau mode de rupture du contrat de travail qui n'est ni un licenciement ni une démission. C’est un « ni-ni ». Drôle d’identité, toute en négatif. En fait, elle est quelque chose : une aiguille de plus pour les petites mains qui détricotent les liens collectifs et remplacent la Loi par le contrat, arraché à l’esbroufe au niveau de l’entreprise, dans une négociation qui ne se fait pas à armes égales entre l’employeur et le salarié. Les liens de subordination existent encore. Et les arrières pensées.
Le déséquilibre est patent : si des chiffres étaient donnés, on verrait que les demandes de rupture conventionnelle sont à 80 / 90% le fait de l’employeur, pour son confort de gestion. Dans le but de contourner. Ce faisant, l’entreprise s’exonère de ses devoirs en matière de sincérité des causes de rupture et de sa responsabilité envers des hommes et des femmes qui cherchent à vivre une vie professionnelle sur le long terme. De surcroit, le « bénéficiaire » d’une rupture conventionnelle, quand elle remplace frauduleusement un licenciement économique, n’est pas totalement rempli des droits inhérents au licenciement économique.
Il n’est qu’à regarder ce graphique pour vite s’apercevoir que les courbes vont bientôt se rejoindre : la rupture conventionnelle deviendrait à terme le premier mode de « séparabilité » !
Chaque mois, désormais, ce sont plus de 20.000 salariés qui se séparent du contrat de travail. Les petites entreprises y recourent massivement : 76 % de ces ruptures au premier semestre 2010 ont été le fait d'établissements de moins de 50 salariés. C'est aussi dans les PME que la représentation syndicale est la plus fragile. Surprise ?
« Ces «séparations à l'amiable» pourraient servir de préretraites déguisées financées par l'Unedic. 11% des motifs de rupture de CDI servirait de dispositif de préretraite pour certaines grandes entreprises. Les employeurs se servent des ruptures conventionnelles pour se séparer «à bon compte et aux frais de l'assurance-chômage» ce dispositif inventé par les syndicats et le patronat -pour encadrer des ruptures qui prenaient la forme de licenciement pour faute ».
En plus de la cause économique camouflée, qui croira encore longtemps que l’on ferait appel à ce type de rupture s’il n’y avait pas conflit ? C'est-à-dire un déficit de rapports, exploité par celui qui détient la force ?« L'employeur n'a aucun intérêt à proposer ou même à accepter une rupture à l'amiable à la place d'une démission, puisqu'il lui faudra payer des indemnités de licenciement, d'autant plus élevées que le salarié aura d'ancienneté. »
Licenciements « moralisés », les ruptures conventionnelles ?
Elles sont en réalité des armes anti-plans sociaux, discrètes, génératrices d’économies pour l’employeur (on constate que les plans sociaux sont en baisse…), les cache-sexes de mensonges sociaux ordinaires, dont les seniors (sur-représentation des plus de 58 ans) font en majorité les frais. C’est la collectivité des salariés mis au chômage qui en pâtit. Mais le Medef, "inventeur" de cette procédure, utilise, de façon gourmande, le terme de "succès "…
Souplesse payée par la collectivité, fléau social, le dispositif de la rupture conventionnelle devra être supprimé par la Loi. Par des députés, pour l’intérêt général, parce qu’un accord social conclu ne s’impose pas au législateur.