Utilisé dans le cadre légal, le STIC, dont le fonctionnement est fortement contesté par la Commission nationale informatique et libertés, n'est déjà pas à l'abri de tout soupçon (1). Mais que dire des cas où son utilisation est illégale ?
Un « passé »…
Un Charentais-maritime aurait récemment fait les frais de cette utilisation frauduleuse. En situation précaire et à la recherche d'un toit, cet homme de 39 ans s'est adressé à l'association Droit au logement. Le DAL 17, qui croule sous les demandes, a contacté le camping de Puilboreau (près de La Rochelle), où l'association a déjà relogé plusieurs personnes. Un mobile-home y était disponible, moyennant un loyer de 456 euros par mois. Adjugé ! Restaient les formalités d'usage.
Un bénévole du DAL a faxé au directeur du camping la carte d'identité du locataire. Pour s'entendre dire, quelques heures plus tard, que la demande de ce monsieur ne pouvait être agréée, en raison de son « passé ». Un passé judiciaire, en l'occurrence, le candidat au logement ayant été poursuivi précédemment. Il l'a d'ailleurs confirmé aux responsables du DAL 17. Mais, indépendamment du fait qu'on ne peut pas préjuger du comportement d'une personne, condamnée ou non, comment le directeur du camping pouvait-il être aussi bien informé ? « Il nous a dit se renseigner auprès d'un policier du commissariat de La Rochelle », explique un responsable de Droit au logement, qui souligne. « Il faut que ce soit quelqu'un qui ait accès au STIC. »
Démarche illégale
Joint par « Sud Ouest » après plusieurs messages sans réponse, Hervé Babu, le directeur du camping de Puilboreau, réfute ces allégations. « Il se trouve que ce monsieur ne pouvait pas donner les garanties », nous dit-il. Mais encore ? « Le premier mois de loyer et le dépôt de garantie. Et il n'y avait pas de prise en charge par la mairie. » Rien d'autre ? « Rien d'autre. »
« De toute façon, c'est illégal », ajoute spontanément M. Babu.
« Qu'est-ce qui est illégal ? »
« Ce dont vous parlez, là. »
« J'ai parlé de passé judiciaire »…
« Oui, eh bien, ça, c'est la police ou la gendarmerie, tout le monde le sait. »
Or, à ce moment de la conversation, la journaliste de « Sud Ouest » n'a encore prononcé ni le mot police, ni le mot justice… Mais M. Babu a parfaitement raison : communiquer des renseignements extraits du STIC à une personne privée est illégal.
Pour l'heure, le DAL, qui maintient les faits rapportés à « Sud Ouest », et précise que la prise en charge existait bel et bien, n'a pas porté plainte mais se réserve l'opportunité de le faire, après une décision collégiale.
Interrogé fin décembre au sujet d'une éventuelle utilisation illégale du STIC, Patrick Mairesse, directeur départemental de la sécurité publique, s'est montré surpris, n'ayant pas connaissance de faits de ce genre mais se disant prêt à enquêter. Une enquête interne a-t-elle été diligentée ? Nous ne le savons pas, nous n'avons pas réussi hier à joindre M. Mairesse.
(1) Le député PS Daniel Goldberg en appelé au ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, en novembre, après que la CNIL a « relevé le fort taux d'anomalies » dans la mise à jour du fichier STIC