Ah ! Les indécrottables égoïstes... Il a suffi que François Hollande annonce puis que Jean-Marc Ayrault confirme une réforme du système français des allocations familiales pour qu'aussitôt une campagne s'engage pour stigmatiser, sur ce registre, les opposants au projet.
Une étrange campagne, où l'on a vu quelques hiérarques socialistes mêler leurs voix à des dignitaires de l'UMP ou des chroniqueurs économiques ultralibéraux, pour dénoncer de prétendus archaïsmes français. Et l'absence de générosité sociale de certaines familles parmi les plus riches qui revendiquent le maintien d'une prestation dont elles n'ont guère besoin.
Il faut certes en convenir : en ces temps de crise majeure des finances publiques, le bon sens peut sembler du côté du gouvernement qui entend placer les allocations familiales sous conditions de ressources. Car la réforme, telle qu'on en devine pour l'instant les contours, promet d'être méticuleusement calibrée.
Selon le rapport publié le 9 avril par Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil de la famille, il s'agit tout au plus de baisser - et non de supprimer - les allocations. Et encore, seulement pour les plus riches. Le rapport fixe ce principe : « Ne pas toucher le haut des classes moyennes et donc ne diminuer les allocations qu'à partir d'un seuil suffisamment élevé de revenu. » On conviendra que c'est prudent.
Et le Premier ministre, lui-même, semble animé par la même sagesse puisque, dans la foulée de ce rapport, il a révélé sur France Inter que seulement 15 % des Français, les plus aisés, seront concernés par cette baisse. Alors pourquoi, en ces temps de très fortes contraintes budgétaires, serait-on opposé à ce que la branche famille de la Sécurité sociale fasse des économies, si c'est seulement sur le dos des plus riches ? Pourquoi rechigner, si les classes moyennes et les couches populaires sont épargnées ?
C'est qu'en vérité les enjeux de cette réforme sont beaucoup plus importants qu'il n'y paraît. Car depuis la Libération, les fondements du modèle social français reposent sur deux grands principes, celui de l'égalité et de l'universalité. En clair, tous les citoyens, quels que soient leurs niveaux de revenus ou de fortune, peuvent prétendre à la même couverture sociale.
Il n'y a d'ailleurs pas que les grands régimes de protection sociale qui soient assis sur ces règles. C'est le même principe qui régit - même si, ici ou là, il est de plus en plus souvent écorné - tous les grands services publics, à commencer par celui de l'Education nationale. En clair, le modèle social français repose sur un principe fondateur, qui est celui de l'égalité et non pas de l'équité.
Une étrange campagne, où l'on a vu quelques hiérarques socialistes mêler leurs voix à des dignitaires de l'UMP ou des chroniqueurs économiques ultralibéraux, pour dénoncer de prétendus archaïsmes français. Et l'absence de générosité sociale de certaines familles parmi les plus riches qui revendiquent le maintien d'une prestation dont elles n'ont guère besoin.
Il faut certes en convenir : en ces temps de crise majeure des finances publiques, le bon sens peut sembler du côté du gouvernement qui entend placer les allocations familiales sous conditions de ressources. Car la réforme, telle qu'on en devine pour l'instant les contours, promet d'être méticuleusement calibrée.
Selon le rapport publié le 9 avril par Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil de la famille, il s'agit tout au plus de baisser - et non de supprimer - les allocations. Et encore, seulement pour les plus riches. Le rapport fixe ce principe : « Ne pas toucher le haut des classes moyennes et donc ne diminuer les allocations qu'à partir d'un seuil suffisamment élevé de revenu. » On conviendra que c'est prudent.
Et le Premier ministre, lui-même, semble animé par la même sagesse puisque, dans la foulée de ce rapport, il a révélé sur France Inter que seulement 15 % des Français, les plus aisés, seront concernés par cette baisse. Alors pourquoi, en ces temps de très fortes contraintes budgétaires, serait-on opposé à ce que la branche famille de la Sécurité sociale fasse des économies, si c'est seulement sur le dos des plus riches ? Pourquoi rechigner, si les classes moyennes et les couches populaires sont épargnées ?
C'est qu'en vérité les enjeux de cette réforme sont beaucoup plus importants qu'il n'y paraît. Car depuis la Libération, les fondements du modèle social français reposent sur deux grands principes, celui de l'égalité et de l'universalité. En clair, tous les citoyens, quels que soient leurs niveaux de revenus ou de fortune, peuvent prétendre à la même couverture sociale.
Il n'y a d'ailleurs pas que les grands régimes de protection sociale qui soient assis sur ces règles. C'est le même principe qui régit - même si, ici ou là, il est de plus en plus souvent écorné - tous les grands services publics, à commencer par celui de l'Education nationale. En clair, le modèle social français repose sur un principe fondateur, qui est celui de l'égalité et non pas de l'équité.
Et, si c'est le cas, c'est parce que la fonction de redistribution des revenus, c'est sur l'impôt qu'elle repose. C'est au travers de lui que tout gouvernement a le loisir de taxer davantage les revenus ou les patrimoines les plus élevés.
Du même coup, on comprend mieux pourquoi c'est une réforme dangereuse qu'engage le gouvernement. Car, si son véritable souci était de demander un effort complémentaire aux plus riches, il lui suffisait de mettre en chantier une ambitieuse réforme fiscale.
Or, on sait précisément que la fameuse « révolution fiscale » promise par François Hollande et prévoyant notamment une fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG) a été reportée sine die.
Et même la minitaxe à 75 %, ce ne sont pas les contribuables qui vont la payer mais les entreprises. En bref, le gouvernement a totalement enterré le projet de refondation d'un impôt citoyen et progressif. Le système fiscal va donc rester ce qu'il est, gravement inégalitaire, avec des taux d'imposition élevés pour les couches moyennes et minorés pour les ultrariches.
Dès lors, la mise sous condition de ressources des allocations familiales apparaît pour ce qu'elle est : non pas une mesure d'équité, mais une banale mesure d'économie. Ce qui ne serait pas bien grave si on en restait là, mais tout le monde devine que, si le tabou de l'universalité des prestations est levé, d'autres gouvernements, à l'avenir, pourront marcher sur ces brisées. En durcissant encore davantage les critères d'éligibilité pour les allocations familiales. Et puis surtout, après la famille, en soumettant d'autres branches de la Sécurité sociale au même régime.
Ce dont se réjouissait récemment le très libéral chroniqueur économique du Point, Pierre-Antoine Delhommais en annonçant aux assureurs privés la bonne nouvelle : « Dans la foulée, après la famille, il n'y a aucune raison pour que la santé ne soit pas, à son tour, concernée. Avec une modulation des remboursements de soins en fonction des revenus. A charge ensuite pour chacun, en fonction de ses moyens, de souscrire à des contrats privés individuels pour se soigner convenablement. »
Cet enthousiasme-là, on peine à le partager. Car, en fait, c'est tout le modèle social français qui risque d'être ébranlé. C'est d'ailleurs mon seul point d'accord avec mon confrère, qui en arrive à cette conclusion : « Il est tout de même amusant de constater que c'est un gouvernement socialiste qui aura ouvert la voie à une privatisation de la Sécurité sociale. Sans le dire, bien sûr. »
Amusant ? Disons plutôt consternant...
Du même coup, on comprend mieux pourquoi c'est une réforme dangereuse qu'engage le gouvernement. Car, si son véritable souci était de demander un effort complémentaire aux plus riches, il lui suffisait de mettre en chantier une ambitieuse réforme fiscale.
Or, on sait précisément que la fameuse « révolution fiscale » promise par François Hollande et prévoyant notamment une fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG) a été reportée sine die.
Et même la minitaxe à 75 %, ce ne sont pas les contribuables qui vont la payer mais les entreprises. En bref, le gouvernement a totalement enterré le projet de refondation d'un impôt citoyen et progressif. Le système fiscal va donc rester ce qu'il est, gravement inégalitaire, avec des taux d'imposition élevés pour les couches moyennes et minorés pour les ultrariches.
Dès lors, la mise sous condition de ressources des allocations familiales apparaît pour ce qu'elle est : non pas une mesure d'équité, mais une banale mesure d'économie. Ce qui ne serait pas bien grave si on en restait là, mais tout le monde devine que, si le tabou de l'universalité des prestations est levé, d'autres gouvernements, à l'avenir, pourront marcher sur ces brisées. En durcissant encore davantage les critères d'éligibilité pour les allocations familiales. Et puis surtout, après la famille, en soumettant d'autres branches de la Sécurité sociale au même régime.
Ce dont se réjouissait récemment le très libéral chroniqueur économique du Point, Pierre-Antoine Delhommais en annonçant aux assureurs privés la bonne nouvelle : « Dans la foulée, après la famille, il n'y a aucune raison pour que la santé ne soit pas, à son tour, concernée. Avec une modulation des remboursements de soins en fonction des revenus. A charge ensuite pour chacun, en fonction de ses moyens, de souscrire à des contrats privés individuels pour se soigner convenablement. »
Cet enthousiasme-là, on peine à le partager. Car, en fait, c'est tout le modèle social français qui risque d'être ébranlé. C'est d'ailleurs mon seul point d'accord avec mon confrère, qui en arrive à cette conclusion : « Il est tout de même amusant de constater que c'est un gouvernement socialiste qui aura ouvert la voie à une privatisation de la Sécurité sociale. Sans le dire, bien sûr. »
Amusant ? Disons plutôt consternant...