Sermaise, paisible bourgade de 1600 habitants proche de Saint-Chéron, en a-t-il fini avec sa réputation de « village le plus pollué de France »? Pas si sûr. Vingt ans après la révélation de la pollution industrielle la plus terrible de l’histoire de l’Essonne, 2000 fûts toxiques, contenant des produits cancérigènes (chlorure de vinyle, benzène, phtalates), dorment toujours dans ses sous-sols.
Début février, le préfet a signé un arrêté ordonnant de nouvelles campagnes de surveillance des eaux souterraines et de l’air. Des études doivent être menées cet été. Les conclusions du rapport seront dévoilées cet automne à la population.
De quoi soulager les associations locales, qui vivent depuis quarante ans dans l’angoisse d’une catastrophe écologique. Car ces conteneurs, dont l’étanchéité est remise en cause, pourraient être à l’origine d’une pollution des nappes phréatiques. « Nous nous sentions un peu délaissés. Aucune information ne nous a été donnée depuis la réunion publique de 2008 », souligne Jean-Paul Gabireau, président de Sermaise Environnement, qui dénonce la « chape de plomb (qui) pèse sur ce dossier tabou ».
Installés le long de l’Orge
Installée le long de l’Orge, l’usine Gerber retraitait depuis 1952 des produits solvants. Les premiers scandales éclatent dans les années 1970. Des enquêtes révèlent que des substances nocives y sont déversées illégalement. La société doit alors retirer les milliers de fûts toxiques qu’elle y stocke. Mais l’évacuation se transforme en enfouissement. Vingt ans plus tard, un arrêté préfectoral stipule que ces derniers doivent être déterrés. Dès 1992, 3700 tonneaux sont excavés et plus de 15000 t de terres nettoyées.
Mais ce n’est là que le premier acte. Plus les pelleteuses creusent, plus les bidons se font nombreux. Au début des années 2000, on découvre 2000 petits nouveaux. Les travaux sont suspendus, le pompage des nappes condamné et de nouvelles études commandées. « Les analyses de 2008 révèlent une quantité un peu anormale de benzène dans l’eau mais sans évolution depuis ces dernières années », précise Rémi Galin, responsable territorial de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (Driee).
Quant au retrait des 2000 barils restants, la question n’est pas à l’ordre du jour. « Leur présence n’a pas d’impact sanitaire car leurs contenus ne se déversent pas brutalement, continue-t-il. Une intervention risquerait de dégager des odeurs désagréables, de polluer l’Orge et coûterait aussi près de 4 M€. » L’Etat a déjà investi 14,5 M€. Rémi Galin ajoute que « les sols se dépollueront naturellement sur les 130 prochaines années. Le retrait des fûts en ferait gagner 50 ».
Le maire de Sermaise, Gérard Hautefeuille, se dit rassuré par les nouvelles études lancées cette année, tout en avouant qu’« il était, à l’origine, prévu de tout retirer. A cette époque, Sermaise était l’un des seuls sites orphelins (NDLR : dont l’entreprise responsable de la pollution a fait faillite) de France. Aujourd’hui, il y en a des centaines qui passent avant ».
Sermaise Environnement, elle, réclame le retrait des derniers fûts. « Ils se dégradent petit à petit et les produits toxiques continuent à suinter dans la terre, insiste Jean-Paul Gabireau. Plus on attend, plus ils polluent. »