Projet soumis au Conseil constitutionnel le 15 février 2011
Ce projet de loi concerne l’ensemble du territoire national.
Ce projet de loi se présente comme un agrégat hétéroclite de dispositions techniques qui justifie le terme, désormais consacré, de « fourre-tout législatif ». [Il] révèle une ligne politique particulièrement inquiétante : fichage, surveillance, contrôle, enfermement !
Voir :
Expulsions de logements illicites sous 48 heures suivie éventuellement de destruction...
Dispositions qui menacent un très grand nombre de logements en outre-mer et faciliteront des opérations déjà trop fréquentes notamment en Guyane
Article 32 ter A
I. – Lorsqu’une installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux.
La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d’une demande d’autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l’installation en réunion sur le terrain faisant l’objet de la mesure d’évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de quarante-huit heures.
Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain fait obstacle à l’exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, dans un délai qu’il fixe.
Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est puni de 3 750 € d’amende.
II. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au I, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
III. – L’article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait d’occuper le domicile d’autrui, hors les cas où la loi le permet, sans l’autorisation du propriétaire ou du locataire, après s’y être introduit dans les conditions mentionnées à l’alinéa précédent, et de ne pas le quitter immédiatement à la requête du propriétaire ou du locataire. »
- Remarque sur cette partie III
Avant la loi Loppsi 2, cet article du code pénal concernait seulement des occupations de locaux violentes :
L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
- Commentaires de l’association "Droit au logement"
LOPPSI 2, Le Gouvernement fait la guerre aux mal-lotis
Toute construction sans permis de construire, comme il en existe beaucoup dans les DOM TOM pourrait aussi tomber sous le coup de cette procédure d’exception, car une construction sans permis est “illicite”.
Cette procédure menace également les squatters : le Ministère de l’Intérieur a annoncé son intention de l’étendre aux occupants de locaux lors de la deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.
L’article 32 ter A de la LOPPSI 2 est une mesure d’exception car elle bafoue les principes de la protection par le juge du domicile, des biens, de la vie familiale et privée, et donne un pouvoir arbitraire et disproportionné au Préfet : en effet, la procédure d’expulsion en vigueur actuellement sur les logements de fortune, nécessite une décision du juge, elle protège d’une expulsion en hiver, elle permet d’être pris en compte dans des dispositifs de relogement voire d’hébergement, elle doit respecter des délais et des actes de procédure délivrés par un huissier, elle prévoit la protection des biens des personnes expulsées ….
Elle est une mesure arbitraire car elle est justifiée par « un risque grave d’atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité publiques », notions extensibles et floues qui laissent la place à toutes les interprétations. Elle vise toute personne qui aura décidé en réunion (2 personnes et plus), de s’installer sur un terrain quel que soit le propriétaire, et la nature de la relation entre le propriétaire du terrain et les habitants. Même si un des habitants est le propriétaire du terrain, ou si l’utilisation du terrain est contractualisée avec les occupants, ou si simplement le propriétaire n’est pas opposé à cette installation, le Préfet peut employer cette procédure d’exception dans un délai de 48h.
L’article prévoit une sanction financière pour ceux qui ne s’exécuteraient pas assez vite, ainsi que la destruction de l’habitation et des biens qu’elle renferme, sur procédure accélérée. La destruction au bulldozers et le vol des biens d’autrui seront ainsi légalisés. Cette disposition ouvre la voie à une atteinte au droit de propriété.