Ils veulent « un petit coin de paradis ». Dans le cas de Myriam A. et Gilles D., il s'agit d'une yourte, posée sur les hauteurs d'un village alsacien.
Le 31 octobre, en plein débat sur la Loppsi, ils ont installé leur habitation mongole sur un terrain qui appartient au grand-père de Myriam. (Voir la vidéo du montage)
Ils décorent leur intérieur avec des tissus ramenés de voyages en Inde, au Pakistan ou ailleurs. Soignent les détails, comme l'explique Myriam :
« Le terrain s'appelle Le Frêne, comme l'arbre. Alors on a installé un plancher en bois de frêne. »
Mais Myriam et Gilles sont sommés de démonter la yourte avant le 3 janvier. Bernard Schmitt, maire sans étiquette de Dieffenbach-au-val, a envoyé un courrier aux tourtereaux : l'emplacement choisi ne permet pas, selon lui, l'installation d'une yourte. Contacté par Rue89, le maire avance deux raisons :
- « Tout d'abord, la yourte est installée à moins de 500 mètres d'un monument historique (une église). Avant de faire quoi que ce soit dans ce périmètre, il faut recevoir l'accord de l'architecte des Bâtiments de France » ;
- « Ensuite, le terrain appartient à une zone réservée à l'urbanisation, comme la construction de lotissements. Je les invite à installer leur yourte à un autre emplacement. Je comprends qu'on puisse avoir envie de vivre dans une yourte, mais pas n'importe où. »
La yourte, une installation ou une habitation ?
Le couple réplique que « ce n'est pas une habitation, mais une installation », car il n'y a pas de toilettes. « Nous allons chez mes parents, à côté », explique Myriam. La yourte, sorte de tente, ne serait alors pas soumise aux règles d'urbanisme.
La mairie contre-attaque :
« Dans le massif des Vosges, le camping sauvage est interdit. »
Et comme la yourte ne dispose pas de sanitaires, elle peut être considérée comme insalubre….
« Rien à voir » avec la Loppsi
La Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), adoptée mardi 21 décembre par l'Assemblée nationale, prévoit que les autorités puissent exiger l'expulsion des résidents de logements jugés insalubres sous 48 heures, sans trêve hivernale.
Mais Bernard Schmitt l'assure :
« Ma décision n'a rien à voir avec l'adoption de cette loi, dont le décret n'est toujours pas paru.
Mais si après le 3 janvier, la yourte est toujours là, je dresserai un procès verbal au procureur de la République. Et le préfet pourrait ordonner son démontage. »
Le vide juridique autour des yourtes
A la direction départementale du territoire, on reconnaît que l'affaire est délicate. Comment considérer juridiquement une yourte ? , s'interroge Véronique Kaeshammer, qui a rencontré les deux partis :
« Il y a un vide juridique sur les yourtes. Est-ce qu'on peut considérer que c'est une habitation ? Le ministère de l'Ecologie, du Développement durable et du Logement devrait trancher. »
Myriam et Gilles espèrent eux « pouvoir au moins rester un an dans [leur] yourte, voir arriver le printemps » :
« Nous travaillons, nous sommes socialisés, nous ne faisons pas de fête ni de bruit, nous voulons juste vivre tranquillement. Sans créer de scandale dans le village. »
En attendant, les deux n'ont pas l'intention de bouger. Ils savent que le frêne, dans le langage des arbres, symbolise la persévérance.
Photo : la yourte de Myriam Aouinet et Gilles Dillenseger (Myriam Aouinet)