« Arrondir » les taux existants : voilà la ligne de conduite simpliste que semble s'être fixé le Premier ministre ce matin, en rendant les principaux arbitrages tirés du rapport Gallois. En lieu et place des taux de 5,5 % (qui concerne notamment les produits alimentaires, les abonnements à l'énergie et les cantines scolaires), 7% (restauration, médicaments non remboursables et travaux à domicile) et 19,60%, bienvenue aux (tellement plus faciles à retenir) 5 %, 10 % et 20 % !
Si je n'ai rien contre les chiffres ronds, ni de position de principe contre toute hausse de prix ou de la fiscalité, encore faut-il que ces augmentations obéissent à une logique vertueuse permettant de réorienter les consommations. Or de ce point de vue, je ne peux que constater le manque de consistance de cette mesure, et ce n'est pas la promesse d'une hypothétique fiscalité environnementale renvoyée à. 2016 qui est de nature à me rassurer. Si Matignon cherche à envoyer un message aux consommateurs s'agissant de certains produits, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est brouillé ! Concernant le taux imputé aux produits alimentaires, sa baisse (de 5,5 % à 5 %) sera quasiment imperceptible pour le consommateur ; d'autant qu'au global ces évolutions des taux aboutissent, selon nos calculs, à une addition de 5,5 milliards par an, soit 200 euros supplémentaires par ménage !
Surtout, le gouvernement a raté là une occasion unique de remettre à plat la grille des taux dans l'Hexagone, et d'en faire une taxe sociétale, véritable incitation à consommer mieux ! Car que penser d'un taux réduit qui mêle joyeusement kilo de pommes et chips goût barbecue ? Les produits trop gras, trop sucrés ou trop salés n'ont selon moi rien à faire dans la catégorie « taux réduit » ! Et quid de la restauration ou des prestations touristiques, dont on ne sait trop pour quelle raison ils bénéficient du taux intermédiaire ? Sans oublier les transports publics (train, bus, métro et tramway) dont le prix va augmenter à rebours des objectifs de lutte contre l'effet de serre !
La TVA est en effet un levier essentiel -à travers le signal prix- pour orienter le comportement des consommateurs. Une modulation de la TVA fondée sur l'intérêt sanitaire ou écologique des produits permettrait, tout en épargnant les ménages les plus modestes ou les classes moyennes, de concilier les objectifs de redressement des comptes publics et de consommation responsable. En lieu et place de cette réforme ambitieuse, le gouvernement poursuit la vieille politique de bricolage des taux, chaque secteur tirant la couverture à lui. Un rendez-vous manqué.