L'accès au site Copwatch, qui souhaite «lutter par la transparence et l'information contre les violences policières», va être bloqué en France jusqu'à nouvel ordre. La justice, saisie en référé par le ministère de l'Intérieur, est allée au delà des demandes de la place Beauveau en ordonnant aux fournisseurs d'accès le blocage du site entier, et non pas le filtrage de onze pages comme demandé.
Les fournisseurs d'accès avaient en effet plaidé cette semaine que les technologies utilisées en France ne permettait pas le blocage de quelques pages d'un site Internet, à moins d'investir massivement dans des technologies de filtrage utilisées principalement en Chine. Le Parquet avait alors répondu que si le filtrage était impossible, Copwatch pouvait être bloqué dans son ensemble, même si l'ensemble de son contenu n'était pas illégal.
Remboursement du coût par l'Intérieur
Le ministère de l'Intérieur visait en effet onze pages précises où étaient publiées photos, patronymes, et renseignements détaillés sur certains policiers de Paris et du Nord de la France, coupables selon les responsables du site Copwatch d'être violents, d'être proches des milieux d'extrême-droite, ou d'outrepasser leurs pouvoirs. Copwatch affirme se baser sur des éléments trouvables facilement sur Internet (page Facebook indiquant un intérêt pour l'extrême-droite) ou sur l'observation sur le terrain, photos et vidéos à l'appui.
Le blocage entier du site sur le territoire français a donc été ordonné par la justice «jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive statuant surles deux plaintes déposées le 4 octobre 2011 par le ministre de l'Intérieur contre X pour injures et diffamation envers des fonctionnaires de police et l'administration». Si la justice déboute Claude Guéant, Copwatch sera donc de nouveau disponible. Le tribunal de Paris a également précisé que le coût du blocage devra être remboursé par le ministère de l'Intérieur.
» DOCUMENT : la copie de la décision de justice chez Numerama
Multiplication des sites miroirs
Clap de fin pour Copwatch ? Pas si sûr. L'annonce de la demande de filtrage du site par Claude Guéant a donné à Copwatch une publicité inespérée, notamment du côté des opposants de la censure sur Internet. Plus d'une vingtaine de sites miroirs, c'est à dire des copies du site Copwatch, ont été crées depuis le début de la semaine, et leur nombre devrait s'amplifier avec cette décision de justice.
En clair, même si le site «copwatchnord-idf.org» est bloqué, les informations qu'il contient seront disponibles ailleurs. Le même phénomène avait eu lieu l'an passé lors que le site WikiLeaks était attaqué de toute part, afin que ses informations soient toujours disponibles sur la toile.
Pour de nombreux observateurs, le ministère de l'Intérieur a été victime de ce que l'on nomme «l'effet Streisand». Ce dernier stipule que lorsque l'on cherche à censurer une information ou un document, ce dernier va se propager de manière exponentielle sur Internet.
«Guéant a lancé une campagne de marketing viral pour Copwatch»
Le terme «effet Streisand» vient d'une mésaventure de la chanteuse américaine en 2003. Cette dernière avait intenté un procès contre un photographe ayant mis en ligne une photo de sa maison, afin qu'il la retire. Or, la publicité de ce procès a entraîné une conséquence inattendue : les internautes se sont jetés sur le site en question. En moins d'un mois, 420.000 personnes sont allés consulter cette photo, qui, si Barbra Streisand n'avait pas fait de procès, aurait dû rester noyée dans les milliards de contenu disponibles sur Internet.
Peu après la diffusion de la décision de blocage de Copwatch, la Quadrature du net, organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, a ironisé sur la décision contre-productive du ministère de l'Intérieur. «En pratique, Claude Guéant a lancé une grande campagne de marketing viral pour Copwatch. Ce site était peu connu avant, et alors qu'il restera accessible grâce aux douzaines de moyens triviaux de contourner la censure, il bénéficie désormais d'une attention et d'une couverture médiatique internationales.»