10.02.2012
Claude Guéant va ficher les « honnêtes gens »
La création d'un fichier de 45 à 60 millions de "gens honnêtes" sera définitivement validée ce mercredi 1er février, à 14h45, à l'Assemblée.
MAJ, 19h30 : la création du fichier a été adoptée dans un hémicycle ne comportant qu'une dizaine de députés. Le lobbying du GIXEL, qui regroupe des industriels de l'électronique, n°1 mondiaux des empreintes digitales et des papiers d'identité biométriques, a gagné. La proposition de loi, telle qu'adoptée par les députés, devra néanmoins être rediscutée, en 5ème lecture, au Sénat -qui la refusera-, puis à l'Assemblée -qui l'adoptera, définitivement, en l'état.
Le 26 janvier dernier, Le Mouv' m'avait invité, avec Jean-Claude Vitran, de la Ligue des droits de l'homme (LDH), à parler de cette "proposition de loi sur la protection de l'identité" qui vise officiellement à lutter contre l'usurpation d'identité, et qui permettra, concrètement, de ficher les noms, prénoms, adresses, tailles et couleurs des yeux, empreintes digitales et photographies de tous les détenteurs de cartes d’identité : "Demain, tous fichés ?".
Depuis que j'ai découvert, et révélé, que le Parlement avait décidé de créer ce fichier des "gens honnêtes", j'ai écrit pas moins de 10 articles, sur OWNI, et 5 billets, sur ce blog, à ce sujet. Et je n'ai toujours pas compris.
Exemple : ce fichier, censé lutter contre l'usurpation d'identité, est une telle "usine à gaz" qu'il n'empêchera nullement un plaisantin mal intentionné, ou un escroc, d'être le premier à réclamer une carte d'identité biométrique (et soi-disant sécurisée) au nom de Nicolas Sarkozy, ou de Jacob Portnawak.
Le fichier des "gens honnêtes" permettra en effet d'éviter qu'un malotrus n'usurpe votre identité... si tant est que vous ayez préalablement pris la peine de vous y ficher en tant que "gens honnêtes". Mais il n'empêchera jamais à un Anonymous, ou à un délinquant, d'être le premier à s'y ficher en usurpant votre identité, non plus qu'à s'y enregistrer sous un faux nom, totalement imaginaire.
Au vu du nombre de faux profils de Nicolas Sarkozy créés sur Facebook ou Twitter notamment, il n'est donc pas exclu que celui qui sera fiché, en premier, comme le Nicolas "honnête gens" Sarkozy, ne soit donc pas forcément le "vrai" Nicolas Sarkozy...
La France, leader mondiale des empreintes digitales
Ce que j'ai compris, c'est que le Gixel, ce lobby des industriels de l'électronique qui avait proposé de déployer des systèmes de reconnaissance biométrique des empreintes digitales dès l'école maternelle, afin de doper son business, a gagné : 14 des 31 personnes auditionnées au Sénat au sujet de cette proposition de loi sont des industriels membres du GIXEL.
Le sénateur auteur de la proposition de loi, tout comme l'ensemble des parlementaires, reconnaissent d'ailleurs sans problème que ce fichier servira aussi, sinon d'abord et avant tout, à aider les entreprises françaises, leaders mondiales des empreintes digitales et des papiers d'identité "sécurisés", à conforter leur leadership et à gagner d'autres marchés à l'étranger.
Leurs technologies de sécurisation de l'identité sont d'ailleurs tellement au point que le ministère de l’Intérieur a récemment reconnu que 10% des passeports biométriques en circulation seraient des faux, alors même que le passeport biométrique était précisément censé être plus sécurisé que ceux d'avant.
Les ministres de l'Intérieur britanniques et néerlandais ont, eux, détruit les empreintes digitales de leurs concitoyens : le premier parce que le gouvernement (de droite) a décidé de ne pas déployer le projet de carte d'identité qu'avait initié le Labour (social-démocrate), afin de protéger leurs libertés, le second s'y est résigné : le taux d'erreur était en effet de 20 à 25%... c'est dire la fiabilité.
Claude Guéant, lui, a décidé de nous ficher, ce qui a eu le don d'effrayer les sénateurs, qui ont voté contre la proposition de loi afin que leurs noms ne soient pas associés à ce qu'ils ont qualifié de "bombe à retardement pour les libertés publiques". Ce matin, la sénatrice Virginie Klès a dénoncé sur France Culture l'omerta des médias, et les intérêts industriels en jeu. En juillet dernier, Serge Blisko avait eu une autre approche de la question :
Monsieur le ministre, j’ai le regret de rappeler que la France n’a créé qu’une seule fois un fichier général de la population, c’était en 1940. Il fut d’ailleurs détruit à la Libération.
A l'époque, il ne s'agissait pas de soutenir les industriels du fichage. Aujourd'hui, si.
Lyon : des parents d'élèves dénoncent le fichage des enfants
Une vingtaine de parents d'élèves ont déposé une plainte contre X ce mercredi au tribunal de grande instance de Lyon pour dénoncer l'illégalité des Bases élèves. Explications.
Ce mercredi 19 mai, ils étaient une dizaine devant le parvis du palais de justice à Lyon, portant une banderole. « Nos enfants sont fichés. Bases élèves, ni anodin, ni un progrès ! »
En effet, 26 parents d'élèves étaient venus au tribunal de grande instance de Lyon déposer une plainte contre X. Au total depuis le mois de mars 2009, 2 080 plaintes ont été déposées dans 39 TGI en France.
Mais, cela fait depuis 2005 déjà que les parents et les enseignants dénoncent la mise en place de ce que le gouvernement appelle des « Bases élèves Premier Degré ». Ces fichiers informatiques destinés à une meilleure gestion de la scolarité doivent être soigneusement renseignés par les directeurs d'école. Ils assurent le suivi d'un élève tout au long de sa scolarité et seront conservés jusqu'à la fin de la scolarité, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 35 ans.
Les cases à compléter par le directeur d'école sont très détaillées : on demande par exemple la nationalité des parents, la langue parlée dans le foyer, aussi de recenser les absences, si l'enfant a un suivi psychologique, ses activités périscolaires, sa participation à des stages de remise à niveau, à des RASED (réseaux d'aide spécialisée).
Contre la saisie informatique de données personnelles
Dans leur plainte, les parents d'élèves du Rhône relèvent plusieurs infractions liées à l'application de l'arrêté ministériel du 20 octobre 2008 qui a généralisé les fichiers Bases élèves à toutes les écoles du premier degré en France.
Ils reprochent notamment « le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite » et « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l'opposition de cette personne. » (articles 226-16 à 226-18 du code pénal)
« Le gouvernement dans l'illégalité »
François Morel, porte-parole du collectif Ecole en danger, est scandalisé par ce choix d'informatiser des données propres aux enfants :
« C'est inquiétant, d'autant qu'on sait qu'il est très facile de recouper ces données pour les différents ministères, que ce soit le ministère de la Justice, celui de l'Intérieur ou de l'Immigration, alors que tout cela restait auparavant interne à l'école. »
Isabelle Devos, parent d'élève, membre du collectif Ecoles en danger ajoute :
« Le gouvernement par l'intermédiaire du ministère de l'Education est dans une totale illégalité avec les Bases élèves, puisque sa mise en place n'est pas venue suite à une loi, mais suite à un décret ministériel ».
En 2008, le gouvernement Sarkozy avait d'ailleurs été interpellé sur cette politique de fichage par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) mais aussi par la secrétaire chargée de la défense des droits de l'homme à l'ONU. Sans réponse satisfaisante pour le moment.
La position difficile des directeurs d'école
Les enseignants résistants pédagogiques à Lyon soutiennent la lutte des parents contre l'existence de ces Bases élèves. Pourtant, les directeurs d'écoles lyonnais n'ont pas refusé de les remplir. « C'est une position difficile, les enseignants cèdent aux menaces de sanctions, voire de mises à pied. », explique André Abeillon, enseignant « désobéisseur ».
De son côté, Claude Massault de la Ligue des droits de l'homme, voit dans cette mesure une application pratique d'une théorie « déterministe » des comportements :
« On affirme qu'en établissant un profil, on peut savoir ce que deviendra quelqu'un. Pour les enfants, tout est marqué, traçable sur des années. Cela signifie qu'il n'y a pas de rédemption possible. C'est une perte de liberté affligeante. »
Il ne reste plus qu'à attendre le verdict du parquet de Paris qui traitera toutes les plaintes déposées par les parents d'élèves en France à ce sujet. Un rapport du Conseil d'Etat est également attendu.
Rue 89 En partenariat avec Lyon Capitale
PARIS, 28 oct 2009 (AFP)
Fichage des curés, pasteurs ou rabins clandestins, mais payés comme fonctionnaires d'Etat, dans les départements sous régime concordataire.
- Création d'un fichier des personnels des cultes d'Alsace et de Moselle
La création d'un fichier destiné à gérer les fonctionnaires chargés du culte en Alsace et en Moselle rémunérés par l'Etat est autorisée par un décret paru mercredi au Journal officiel.
"Ce traitement permet de procéder à la gestion des carrières et des affectations ainsi qu'à l'établissement de prévisions budgétaires et au suivi de l'exécution des dépenses", précise le texte.
En application du concordat de 1801, les ministres des cultes et les employés de secrétariat des autorités religieuses des quatre cultes reconnus en Alsace et en Moselle sont rémunérés par l'Etat (catholiques, protestants luthériens, protestants réformés et juifs).
Les informations versées dans ce fichier -- qui se substituera au traitement manuel de ces tâches, aujourd'hui accompli par le biais de registre papier portent sur l'identité des agents et leur carrière.
Dans une délibération également publiée mercredi au JO, la Commission nationale de l'informatique et liberté (Cnil) "observe que les finalités de ce traitement exigent l'enregistrement des données faisant apparaître les opinions religieuses des ministres des cultes, toutefois (...) leur enregistrement n'est pas soumis à l'interdiction prévue (...) dès lors que ces informations sont rendues publiques par les personnes concernées".
La Cnil suggère toutefois deux modifications au dispositif prévu: "le mot de passe devrait comporter au moins huit caractères alphanumériques dont au moins un chiffre, une lettre et un caractère spécial, et être renouvelé tous les six mois avec l'impossibilité de réutiliser les trois précédents mots de passe".
*En outre, "il conviendrait de mettre en oeuvre un mécanisme de traçabilité, enregistrant chaque action effectuée sur le système, l'identité de son auteur ainsi que des données d'horodatage"