La police sud-africaine a effectué, samedi 15 septembre, une intervention massive autour de la mine en grève de Marikana en Afrique du Sud, provoquant des heurts qui ont fait plusieurs blessés, dont plusieurs femmes, un mois après une fusillade policière qui avait fait 34 morts.
Au lendemain d'un appel du pouvoir à rétablir l'ordre dans ce bassin minier, d'où sort plus d'un cinquième de la production mondiale de platine, les foyers d'hébergement et baraquements de mineurs du groupe britannique Lonmin ont été perquisitionnés dans la nuit. Au moins 500 policiers sont entrés en action à 2 heures du matin, dans la première intervention policière depuis la fusillade du 16 août, qui avait réveillé les fantômes de la répression de l'époque de l'apartheid.
Environ 150 militaires ont été également positionnés en renfort dans la région.
La chaîne d'information eNCA a indiqué que les policiers avaient opéré sans ménagement, "mettant tout sens dessus-dessous", y compris dans les pièces où étaient hébergées des familles. La police a rempli plusieurs camions de bâtons traditionnels et machettes saisis.
"NÉCESSAIRE D'INTERVENIR"
Les employés de Lonmin sont en grève depuis le 10 août pour leurs salaires, et le mouvement a été suivi par des mineurs d'autres sociétés du secteur.
Après la descente de police, des mineurs se sont regroupés dans la matinée non loin du lieu de la fusillade du 16 août. C'est là que la police a fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser. Ils se sont alors enfuis vers la zone de bidonvilles voisine, érigeant des barricades à l'aide de pneus incendiés et de rochers, et lançant des pierres sur les policiers qui les poursuivaient. La police a répliqué par des tirs de balles en caoutchouc qui ont fait plusieurs blessés, dont au moins deux femmes, selon l'agence Sapa, six selon un autre témoignage.
"Les gens ont peur. La police a tiré sur des gens innocents qui ne faisaient que se rassembler pour entendre le compte-rendu [des négociations de la veille], nous ne savons plus quoi faire", "ni où nous réunir", a déploré Molisi Phele, un représentant des grévistes.
"LA RÉPRESSION DU TEMPS DE L'APARTHEID"
"Le gouvernement doit être fou pour croire que ce qui ressemble pour moi à la répression du temps de l'apartheid, puisse réussir", a dénoncé l'évêque anglican, Jo Seoka, médiateur dans le conflit. "Nous ne devons pas oublier que de telles méthodes dans le passé ont conduit à plus de résistance et que le gouvernement ne peut pas se permettre d'être perçu comme l'ennemi du peuple qui l'a porté au pouvoir", a-t-il estimé, redoutant une "révolte totale" dans la région.
Le gouvernement sud-africain avait annoncé vendredi des mesures de maintien de l'ordre dans la région. Le secteur minier est la principale source d'exportations du pays. Dans la semaine, les multinationales Anglo American, Aquarius, Xstrata, avaient annoncé la suspension provisoire de leur activité dans la zone.
Le mouvement social a débuté chez Lonmin, à l'initiative de 3 000 foreurs en rupture avec le principal syndicat des mines (le NUM), accusé comme l'ANC au pouvoir de négliger les intérêts des millions de Sud-Africains pauvres. Les négociations doivent reprendre lundi mais l'évêque Seoka redoute désormais un blocage.
Le groupe britannique avait reformulé une offre salariale vendredi soir, proposant notamment 1 875 rands (175 euros) d'augmentation aux foreurs. Cela reste loin des revendications des grévistes, qui réclament 12 500 rands mensuels (1 160 euros) pour reprendre le travail. Ils refusent aujourd'hui de céder, au nom des grévistes tués en août. Le conflit s'est étendu ces derniers jours aux salariés d'Amplats et à une mine d'or du groupe Gold Fields près de Johannesburg, en grève depuis une semaine.